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7 février 2008

Interview

Entretien avec l’artiste musicien Michel Pinheiro

 

«Je ne chanterai pas pour faire l’éloge d’un présidentiable»

 

Michel Pinheiro, salséro, instrumentiste et chef d’orchestre du phénoménal reggae man Tiken Jah Fakoly, a sorti le 10 février dernier à Cotonou, son deuxième album solo baptisé «Agoh». Quel accueil le public a-t-il réservé à cet opus 100% salsa? Il répond ici à la question et se prononce également sur d’autres préoccupations de l’actualité culturelle nationale.

 

Propos recueillis par Fortuné Sossa

 

La Nouvelle Tribune

: Vous avez choisi de lancer votre album «Agoh» à Cotonou alors que vous pouviez le faire à Paris où vous résidez depuis un moment. Etes-vous satisfait de la réaction du public?

C’est un peu mitigé. Quand j’observe les ventes, je me dis que ce n’est pas encore l’accueil qu’il faut pour «Agoh». Mais pendant mes passages sur les radios, je sens toute la chaleur avec laquelle les mélomanes me soutiennent. Pour moi, ce n’est pas seulement la vente qui justifie l’accueil du public à un produit phonographique. Je dois préciser aussi que du fait de la campagne présidentielle, la préoccupation de l’heure est le vote du 05 mars prochain. Je comprends bien cela.

 

Et comment est-ce que la promotion se passe alors?

J’ai déjà démarré la promotion par mes interventions sur les ondes. Comme je dois retourner très bientôt en France, je vais laisser une équipe sur place pour poursuivre cette promo. Le mal, c’est qu’il n’y a pas de professionnel du show au Bénin. Ce qui fait qu’on est soi-même au four et au moulin. Par contre, à Bamako (Mali) et à Ouagadougou (Burkina Faso), j’ai contacté Seydoni Production pour le travail dans ces deux pays. Je suis en pourparler avec Showbiz à Abidjan pour la signature d’un contrat allant dans le même sens. Mais pour le moment, cela traîne à cause de la situation politique que vit actuellement

la Côte

d’Ivoire. Pour ce qui est de

la France

, le lancement de l’album interviendra entre fin mars et début avril.

 

Aujourd’hui au Bénin, presque tous les musiciens s’acharnent à composer des morceaux pour vanter le mérite de tel ou tel autre candidat à l’élection présidentielle. Que pensez-vous de cet état de chose?

Moi, je ne chanterai pas pour faire l’éloge d’un candidat. Ce n’est pas mon rôle. Le rôle de l’artiste est de sensibiliser, d’éveiller les consciences. Si je fais l’éloge d’un présidentiable et que demain il maltraite le peuple, j’en aurai sur ma conscience. Toutefois, il n’est pas exclu que j’aille faire une prestation sur un podium pendant la campagne électorale moyennant un cachet. Là, je suis en plein dans ma profession.

 

Pensez-vous que les plus jeunes qui se lancent de nos jours dans l’art font de la musique d’engagement?

De mon point de vue, il y a tous les genres. J’ai écouté plein de morceaux sur diverses chaînes. Il y a des artistes qui chantent juste pour amuser la galerie. Dans le même temps, il y en a qui éduquent à travers ce qu’ils composent. Quand j’écoute les titres du groupe Afafa, j’ai toujours quelque chose à en tirer. C’est le cas également avec les oeuvres du groupe Ardiess, de Zeynab, Zouley, Jean Adagbénon, Symphorien Zanclan alias Pidi Symph… Je conseille vivement aux politiciens d’écouter Pidi Symph. Il a des textes très engagés pour la culture de la paix et l’unité nationale.

 

Lorsqu’on observe le showbiz au Bénin, c’est essentiellement la musique ivoirienne qui est jouée. Est-ce parce que rien de bon ne se produit musicalement ici?

Pas tout à faire! Selon moi, il n’y a plutôt pas une politique culturelle au Bénin. Des fois, je me demande s’il existe un ministère de la culture. Au Burkina Faso tout près, il y a cinq ans de cela, on ne jouait que de la musique ivoirienne. Mais un beau matin, le gouvernement a pris un décret pour interdire la diffusion de toute musique étrangère sur les ondes. Depuis, c’est exclusivement les albums des artistes burkinabés qui passent sur les radios et dans tout le pays. Le mieux pour nous, c’est d’en arriver là. Car ce ne sont pas les valeurs qui manquent pour autant chez nous. Par exemple, dans l’arène internationale, seule Angélique Kidjo a pu émerger parce qu’elle est sortie du pays. Feu Gnonnas Pedro, il a fallu qu’il intègre le groupe Africando pour avoir une renommée internationale accomplie. C’est bien dommage que ça se passe ainsi.

 

Est-ce que le public en est également pour quelque chose?

J’ai remarqué que le Béninois n’aime pas pousser son artiste à devenir une star. Ce sont les autres qui le font et ils s’en approprient. C’est un comportement malheureux qu’il nous faut coûte que coûte changer. Pour y parvenir, les médias doivent jouer un rôle primordial. Ils doivent ne commencer par servir uniquement de la musique locale à la population. Cela est très indicateur. Voyez-vous, des fois, je suis à Cotonou et je me sens en Côte d’Ivoire. Partout, sur les radios, dans les maquis, sur les chaînes de télévision, on n’entend que du «couper décaler». Seule l’Ortb (Office de radiodiffusion et de télévision du Bénin) fait un gros effort dans la promotion à cent pour cent de la musique béninoise. Au niveau des autres médias audiovisuels, ça piétine toujours. Or, normalement, c’est à tous les niveaux qu’on doit pousser la musique béninoise. Car, aujourd’hui, ce que l’Afrique a à vendre, c’est l’art. L’Occident l’a compris et en profite énormément.

 

A vous entendre, on déduirait qu’au Bénin, le showbiz n’est pas organisé. A quoi est-ce que cela peut-être dû?

A mon humble avis, cela est dû au fait que chacun veut voler de ses propres ailes et faire du profit. On a beaucoup d’opérateurs économiques dans le pays mais ils semblent ignorer qu’en investissant dans la culture, ils vont encore mieux s’enrichir. Sinon, comment comprendre qu’il n’y ait pas une seule industrie de pressage de Cd au Bénin. Pour le faire, on est obligé de se rendre au Nigeria.

 

A quand un méga concert de Michel Pinheiro à Cotonou?

Je donnerai de concert quand un promoteur m’en aura fait la proposition. Je suis artiste et je crois savoir que l’organisation de concert relève du domaine des promoteurs de spectacle. Je ne sais pas grand-chose dans ce domaine.

 

Malgré tout ce qui se fait à divers niveaux, la piraterie demeure un fléau. Comment pensez-vous qu’on peut lutter concrètement contre ce mal?

Je ne conçois pas qu’il existe un Bureau béninois du droit d’auteur et que les œuvres phonographiques ne soient pas réellement protégées contre le piratage. En Côte d’Ivoire, lorsque vous voulez commercialiser des Cd et cassettes, vous achetez systématiquement les timbres de sécurisation. Ce qui fait que les albums des artistes ivoiriens et ceux des artistes étrangers sont protégés au même titre. Le gouvernement béninois doit épauler le Bubedra pour qu’il ait une police qui traque les pirates à tout bout de champ. Il faut la diffusion régulière de spots et de communiqués dissuasifs. Nos politiciens s’en vont souvent étudier en France, au Canada et pourtant, rien ne semble aller dans le pays, que ce soit dans le domaine de l’industrie, de la culture, de la santé… Rien ne va! J’ai comme l’impression qu’ils n’ont pas d’ambition pour le Bénin.

 

Que faire alors?

Mon souhait le plus ardent aujourd’hui est que les femmes prennent le pouvoir pour qu’on voie ce qu’elles peuvent nous apporter. Moi, je crois en elles et je sais qu’elles peuvent amener le changement. Car cela fait quarante-six (46) ans que les hommes ont échoué. 

  

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